« Aujourd’hui les filles c’est musée ! » l’annonce est faite sur un ton enjoué ! J’attends la réaction en serrant les dents et plissant les yeux.
« Youpiiii
– Chouette, trop cool !!! J’emporte mon carnet et mon aquarelle, et toi Maman ? »
J’ouvre un œil.
Moi ? Mais je ne sais pas, je suis abasourdie, sous le choc et heureuse ! Enfin, ça a marché, tant de patience, d’investissement, de musées parcourus à un rythme d’enfant et ÇA-A-MARCHÉ ! Mes enfants sont ravies d’aller au musée. Je savoure cette immense victoire et commence le rituel du musée. D’abord je raconte de façon accessible la vie de l’artiste avec des anecdotes, les filles regardent quelques œuvres sur l’écran de l’ordinateur, carnets, peintures, crayons et goûter enfournés dans un grand sac, en avant !
Ah oui mais non, il y a la troisième princesse, celle qui ne marche pas et ne circule qu’en carrosse. Pas de problème, je m’assure qu’elle a mangé, qu’elle est changée et qu’elle va s’endormir sur le trajet.
Jusque-là mon plan fonctionne sans faille. Nous arrivons au Grand Palais et attendons dans la file mais pas longtemps, une fée du musée vient nous chercher et nous aide à gravir les quelques marches du parvis, c’est le « bébé-pass … », j’aime ! C’est très agréable d’être escortées, les grandes n’en reviennent d’ailleurs pas.
« Madame il faut laisser la poussette.
Je suis interloquée.
-La poussette ? La laisser ? Mais il y a un bébé dedans !
-Nous vous prêtons un porte bébé à la place.
-Mais ma fille va se réveiller, elle va crier et la visite va être insupportable pour tout le monde. » Inutile d’insister, je m’exécute. Je me retrouve avec ma dragonne sur le ventre : d’endormie elle passe à réveillée et mécontente. Mes rêves de dessins s’envolent. L’enfer du musée commence.
L’expo est superbe. Les grandes s’amusent, reconnaissent, découvrent, questionnent, miment. Je secoue, berce, marche rapidement, doucement, rapidement, cajole, chantonne. Elles me réclament un arrêt prolongé pour crayonner, je refuse, prise en otage par les pleurs et la salle qui me regarde ne comprenant pas ce que je fais dans un musée, avec un nouveau-né.
Nous écourtons la visite et passons les dernières salles au pas de course. Passage à la boutique, les filles choisissent une carte postale qui sera collée dans le carnet des visites, je tiens le rituel jusqu’au bout !
« Mais d’ailleurs, pourquoi les poussettes sont interdites ?
-Parce qu’elles sont métalliques.
-Ah et c’est un souci pour les œuvres ? Les personnes en fauteuils roulants font comment ?
-Mais enfin madame, cela n’a rien à voir, s’indigne mon interlocutrice. Et puis les poussettes ça gêne. »
Voilà, les poussettes ça gêne !
Je rends le porte bébé en exprimant mon mécontentement. On me rend ma poussette en me suggérant de ne pas venir avec un bébé à l’avenir. Je repars furieuse en me promettant d’écrire à la direction, ce que ne ferai pas parce que mon temps est bien trop précieux.
Peu importe, les princesses ont fait une belle visite, il ne reste qu’à dompter mon dragon ou à aider les musées à organiser un meilleur accueil des familles !
Aude de Kerangué
(texte & illustrations )